En 2024, le service de la dette a couté à l’Afrique 103 016 milliards FCFA (163 milliards de dollars) en raison de la hausse des taux d’intérêt mondiaux, atteignant leur plus haut niveau depuis 40 ans. Comparé à il y a 14 ans (2010), le service de la dette avait coûté au continent 38 552 milliards FCFA (61 milliards de dollars). Par ailleurs, les déficits budgétaires des pays africains sont passés de 0,8 milliard de dollars à près de 150 milliards de dollars au cours des deux dernières décennies. Quant au ratio dette/PIB, il a plus que doublé, passant de 33,6 % en 2008 à 72,4 % en 2021, avant de retomber à 64,8 % en 2022.
Une situation peu avantageuse pour les États africains, qui doivent trouver des alternatives. La Banque africaine de développement (BAD) semble avoir identifié une solution : le Debt Management Forum for Africa (DeMFA) ou Forum sur la gestion de la dette pour l’Afrique. En effet, le DeMFA, une plateforme dédiée à la gestion des défis liés à la dette africaine, intervient dans un contexte marqué par l’augmentation de l’endettement, la hausse des coûts du service de la dette et la dégradation des notations de crédit sur l’ensemble du continent.
Cette initiative a été lancée les 16 et 17 décembre 2024 à Abuja, la capitale nigériane, à travers un dialogue politique sur le thème : « Mettre la dette au service de l’Afrique : politiques, pratiques et options ». Des représentants de ministères africains des Finances, de banques centrales, de bureaux de gestion de la dette, d’universitaires ainsi que d’autres experts et parties prenantes ont exposé leurs points de vue sur le sujet. À l’unanimité, ils ont convenu de la nécessité d’identifier des actions politiques et stratégiques pour mettre la dette au service de l’Afrique. À travers leurs communications, les experts ont exploré les vulnérabilités de la dette, la restructuration de l’architecture de la dette mondiale, la transparence et la divulgation des engagements financiers, ainsi que les négociations de prêts, les notations de crédit, sans oublier les utilisations productives de la dette et l’importance des collaborations et des partenariats.
Lors des échanges, des représentants de plusieurs gouvernements ont partagé l’expérience de leurs pays en matière de renforcement de la gestion de la dette nationale. Ils ont également mis en avant les enseignements tirés des réformes appuyées par des cadres législatifs et souligné l’importance d’une approche globale en matière de communication et d’engagement des parties prenantes.
Le Forum se veut une plateforme de connaissances, de coordination des parties prenantes et un pôle d’apprentissage entre pairs. À travers ces trois rôles clés, il vise à renforcer les capacités techniques africaines en gestion de la dette, à améliorer les notations de crédit des pays africains et à atténuer le surendettement sur l’ensemble du continent. Il constitue en outre une plateforme politique destinée aux ministres africains des Finances et aux gouverneurs des banques centrales. Il servira ainsi d’instrument de mise en œuvre des stratégies et plans d’action existants, tout en complétant les efforts de renforcement des capacités en cours.
Développer des solutions africaines
Pour l’année 2025, les besoins de financement de l’Afrique sont estimés à 400 milliards de dollars. D’après Kenneth Rogoff, professeur d’économie à l’université de Harvard et ancien économiste en chef du FMI, il serait avantageux pour les pays africains de privilégier les emprunts en monnaie locale et sous juridiction nationale, afin de réduire les coûts d’emprunt et d’offrir de meilleures alternatives pour la gestion de la dette. De son côté, l’ancien ministre ghanéen des Finances, Seth Terkper, recommande l’adoption de pratiques comptables plus holistiques, mettant l’accent sur une meilleure gestion des arriérés de dette. Selon lui, les réformes comptables devraient inclure le passage d’un cadre de solde primaire à une approche plus réaliste de solde budgétaire.
« Il n’y a pas d’autre solution que de mettre de l’ordre dans nos affaires ; il n’y a pas d’autre solution que d’assurer une gestion saine des finances publiques en Afrique. Nous devons mettre le capital de l’Afrique au service du développement de l’Afrique », a déclaré Kevin Urama, vice-président de la BAD, qui invite les États à développer des solutions africaines.
Par ailleurs, le DeMFA s’inscrit dans une série d’initiatives menées par la BAD, notamment la Stratégie pour la gouvernance économique en Afrique (2021-2025), le Plan d’action pour la gestion et l’atténuation des risques de surendettement en Afrique (2021-2023), l’Académie de gestion des politiques macroéconomiques pour l’Afrique et l’Académie de gestion des finances publiques pour l’Afrique, entre autres.
Par Léon Yougbaré



