À l’occasion de la 7ᵉ édition de la Semaine des activités minières d’Afrique de l’Ouest (SAMAO), la Chambre des mines du Burkina (CMB) a organisé un atelier de partage d’expériences autour d’un enjeu stratégique : le financement des projets miniers. La rencontre, tenue à Ouagadougou, a réuni experts, juristes et responsables institutionnels, avec pour objectif d’éclairer les acteurs sur les mécanismes financiers et réglementaires permettant une meilleure participation des nationaux dans la chaîne de valeur minière.
Les communications introductives de l’atelier, modérées par la directrice exécutive de la CMB, Priscille Zongo, ont porté sur deux thématiques centrales : « Revue réglementaire des dispositions encadrant l’intervention des nationaux dans le secteur minier » et « Projets miniers : étapes et types de conformité pour faciliter le financement ». À travers ces échanges, l’objectif affiché par la Chambre des mines est de permettre une exploitation minière qui soit à la fois rentable, inclusive et durable, en permettant aux investisseurs et entreprises burkinabè de jouer un rôle plus actif dans un secteur jusqu’ici dominé par des multinationales.
La première communication, assurée par Zéphirin Zongo, secrétaire permanent du Contenu local, a rappelé les fondements de la politique nationale en la matière. Selon lui, le contenu local ne se résume pas à une exigence réglementaire, mais constitue un outil stratégique pour l’intégration de l’activité minière dans le tissu économique national. Au Burkina Faso, il est défini comme « l’ensemble des mécanismes portant sur le développement des capacités nationales, dans la fourniture de biens et services, l’utilisation des ressources humaines, les transferts de technologies et la promotion des investisseurs locaux sur toute la chaîne de valeur de l’industrie extractive ».
Sans contenu local, a-t-il averti, l’industrie extractive risque de rester une enclave économique : une simple extraction de matières premières exportées sans réel bénéfice pour les populations et l’économie nationale. « L’extraction seule n’est pas suffisante. Il faut générer de la valeur ajoutée et créer un effet multiplicateur pour l’économie nationale », a-t-il insisté. Pour éviter ce piège, le Burkina a adopté en 2021 la Stratégie nationale de contenu local dans le secteur minier (2021-2025), renforcée en juillet 2024 par un cadre réglementaire spécifique.
Cette stratégie, à en croire le responsable de sa mise en œuvre, repose sur quatre axes majeurs, dont trois axes opérationnels, à savoir la promotion de la fourniture locale en biens et services, le développement du capital humain burkinabè, en favorisant l’emploi et le transfert de compétences, ainsi que la valorisation locale des produits miniers et le soutien aux investisseurs nationaux. Le dernier levier de cette stratégie vise à encourager la participation des Burkinabè au capital des sociétés minières.
M. Zongo a, en outre, rappelé que le pays a créé en 2023 un Secrétariat permanent du Contenu local, dont il est le premier responsable, chargé de coordonner la mise en œuvre de la stratégie et de veiller au respect de la réglementation par les compagnies minières. Une avancée institutionnelle qui traduit la volonté de l’État de faire du secteur extractif un moteur de développement endogène.
Un cadre réglementaire en constante évolution
La deuxième communication, présentée par Dodbzanga Tousma, directeur des affaires juridiques et du contentieux au ministère de l’Énergie, des Mines et des Carrières, a permis de retracer l’évolution du cadre légal depuis l’adoption du premier code minier en 1997. Dès cette époque, dit-il, les autorités ont réservé certaines activités aux nationaux, notamment l’exploitation artisanale. Mais c’est à partir de la loi de 2015 que la notion de contenu local a été formalisée, dira M. Tousma. L’article 102 de ce texte oblige en effet les titulaires de titres miniers et leurs sous-traitants à accorder la préférence aux entreprises burkinabè et à respecter un quota progressif d’emplois locaux.
Aux dires du communicant, le nouveau code minier de 2024 est venu consolider ce dispositif. Ses principales innovations sont l’ouverture obligatoire du capital aux investisseurs nationaux (article 10), l’augmentation de la participation gratuite de l’État dans les sociétés minières de 10 à 15 % (article 66), la possibilité pour l’État ou le privé national de souscrire à au moins 30 % du capital des entreprises minières, la réservation de l’artisanat minier aux Burkinabè, avec obligation de détenir une carte d’artisan minier, et enfin l’encadrement de la transformation des résidus miniers (article 87), désormais soumise à agrément.
M. Tousma a tenu à lever une confusion fréquente concernant la participation dite « gratuite » de l’État : « Ce n’est pas un cadeau. Avant toute attribution de titre minier, le Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB) réalise des travaux de recherche financés par l’État. La participation au capital est donc une juste contrepartie ». Pour lui, les évolutions du cadre réglementaire dans le secteur traduisent la volonté des autorités de renforcer la souveraineté économique du pays et de faire de l’activité minière un levier de développement partagé.
Les défis du financement des projets miniers
Si le cadre réglementaire progresse, la question du financement demeure centrale. Sur ce point, l’expert minier Dofinta Bondé a livré une communication riche en enseignements, portée sur le thème « Projets miniers : étapes et types de conformité pour faciliter le financement ». Il a d’abord rappelé que le développement d’un projet minier est un processus long et complexe, qui commence par l’exploration et peut s’étendre sur plusieurs années. Mais la réussite, selon lui, ne dépend pas uniquement de la qualité du gisement : l’acceptabilité sociale et environnementale constitue un facteur déterminant. « Investir sans l’adhésion des communautés locales est voué à l’échec », a-t-il averti.
Les bailleurs et investisseurs examinent une série de critères avant d’engager leurs fonds : stabilité géopolitique, sécurité des investissements, rentabilité économique, crédibilité des promoteurs et gouvernance transparente, entre autres.
Abordant la question cruciale des mécanismes financiers, Dofinta Bondé a rappelé que l’industrie minière dispose de plusieurs instruments adaptés à chaque étape du développement d’un projet. Le financement peut d’abord reposer sur les fonds propres apportés par les promoteurs, une option qui traduit leur engagement initial mais qui reste généralement limitée face aux besoins colossaux du secteur.
À ce premier levier s’ajoute le recours à la dette, qu’il s’agisse de prêts bancaires ou d’émissions obligataires, souvent utilisés pour financer la phase de développement ou d’exploitation. Pour réduire les risques, certaines entreprises optent pour des partenariats stratégiques, qui consistent à mutualiser les investissements et à partager les charges dans des projets à forte intensité capitalistique ou exposés à des environnements géopolitiques sensibles.
Un autre mécanisme largement répandu est celui des contrats d’achat anticipé, dans lesquels des raffineries ou des acheteurs s’engagent à financer partiellement un projet en contrepartie d’un approvisionnement garanti en minerai. Pour l’expert minier, ces contrats peuvent également servir de garantie pour mobiliser d’autres sources de financement.
En plus, M. Bondé a insisté sur l’importance du financement de projet, une approche sophistiquée qui repose essentiellement sur les flux de trésorerie générés par l’exploitation future, méthode privilégiée par les grandes compagnies disposant d’une crédibilité financière et d’une capacité à rassurer les bailleurs.
À ces mécanismes s’ajoutent les appuis des institutions financières internationales (Banque mondiale, BAD, IFC), mais aussi des acteurs locaux tels que Coris Bank International, la Caisse des dépôts et d’investissement du Burkina (CDI-BF), la CNSS, la CARFO et La Poste BF, de plus en plus impliqués dans le financement du secteur extractif.
Un secteur en quête de durabilité et d’inclusion
Au-delà des considérations techniques et financières, les discussions de l’atelier reflètent une préoccupation majeure : comment faire de l’or et des autres ressources minières un véritable moteur de développement durable au Burkina Faso ? Le secteur minier, qui compte aujourd’hui plusieurs mines industrielles en exploitation, contribue de manière significative aux recettes budgétaires, aux exportations et à l’emploi. En mettant l’accent sur le contenu local et en facilitant l’accès au financement, le Burkina cherche à corriger les déséquilibres hérités d’un modèle trop dépendant des multinationales. La participation croissante des investisseurs nationaux, soutenue par un cadre réglementaire plus exigeant, ouvre la voie à une meilleure appropriation des ressources par les Burkinabè eux-mêmes.
Par Léon Yougbaré



