Dans le cadre de la 7ᵉ édition de la Semaine des activités minières d’Afrique de l’Ouest (SAMAO), la Chambre des mines du Burkina (CMB) a organisé un atelier de partage d’expériences sur le financement innovant des projets miniers. À cette occasion, le directeur général de la société Burkina Mine, Rayangniwendé Abdoul Rasaky Kaboré, a présenté les opportunités offertes par la tokénisation des actifs miniers, un procédé en plein essor dans les pays développés.
Le financement demeure l’un des principaux obstacles pour les jeunes exploitants miniers. C’est dans ce contexte que M. Kaboré a exposé une cartographie des instruments financiers innovants. Parmi eux, la tokénisation suscite un intérêt croissant au niveau international. D’ailleurs, c’est un thème qui a été inscrit parmi les thèmes phares du Forum mondial New Area, New Ways tenu à Moscou en août 2025 où a pris part M. Kaboré en tant que panéliste.
Ce concept de tokénisation, selon Rayangniwendé Abdoul Rasaky Kaboré, peut être appliqué dans tous les secteurs d’activités. Mais, dit-il, il s’agit pour le moment d’explorer la faisabilité dans le secteur minier. « La tokénisation consiste à transformer un droit économique lié à un projet, part sociale, dette, royalties, prévision de production ou prévente en jetons numériques inscrits sur une blockchain », a défini M. Kaboré. Ces jetons, appelés tokens, sont sécurisés, infalsifiables et programmables grâce aux contrats intelligents (smart contracts en anglais).
Contrairement aux cryptomonnaies comme le bitcoin, le DG de Burkina Mine a tenu à préciser que les tokens ne sont pas nécessairement des monnaies. « Les tokens ont une faculté de programmabilité, c’est-à-dire qu’ils peuvent être programmés pour avoir des fonctionnalités spécifiques telles que des récompenses, des votes ou des accès exclusifs », a ajouté M. Kaboré.

Face au public dont une bonne partie était présente dans l’objectif d’en savoir davantage sur la tokénisation, le DG Kaboré a énuméré quelques types de tokens. Parmi ceux-ci, il a souligné les tokens utilitaires qui donnent accès à un service ou à une fonctionnalité dans un écosystème donné. Quant aux tokens de gouvernance, ils permettent aux détenteurs de voter sur des décisions d’un projet décentralisé. « Il y a aussi les tokens de sécurité qui représentent un actif financier (une action) et, dans ce cas de figure, sont soumis à une régulation », a-t-il détaillé. Les stablecoins, un autre type de tokens, peuvent être adossés à une valeur stable, tandis que les tokens uniques et non interchangeables représentent souvent une œuvre d’art numérique ou un objet de collection.
Des exemples concrets à l’international
Rayangniwendé Abdoul Rasaky Kaboré a noté qu’à Dubaï, le Multi Commodities Centre (DMCC) a lancé en 2023 le premier token aurifère régulé, facilitant la traçabilité et la sécurisation des transactions. « Pour financer les acquisitions ou pour suivre les transactions, ils émettent des tokens qui sont décentralisés et qui sont codés de sorte à être inviolables et sécurisés », a-t-il laissé entendre, précisant que toutes les personnes qui interagissent sont identifiées. « Si vous détenez un token, vous êtes identifiés et si vous faites des transactions avec des tokens, vous êtes également identifiés. Ce qui facilite la traçabilité », a-t-il rassuré.
Dans l’immobilier, dit-il, la tokénisation permet déjà à des particuliers, ne disposant pas du capital nécessaire pour en acheter l’intégralité, d’acquérir des parts d’immeubles.
De façon pratique, le communicant a indiqué que pour utiliser la tokénisation, il faut d’abord identifier l’actif. « Ça peut être une mine en phase d’exploration, un permis d’exploitation ou même la production future d’un minerai », a-t-il fait savoir. Il faut ensuite convertir les actifs en jetons numériques, qui seront distribués et échangés sur la blockchain. « Autrement dit, la valeur du projet est morcelée en jetons disponibilisés sur la blockchain. Toute personne intéressée peut rester où qu’elle soit pour acheter ces jetons et être copropriétaire de l’entreprise ou du projet », explique M. Kaboré.

Appliquée aux projets miniers, la tokénisation pourrait transformer l’accès au financement. D’abord la levée de fonds rapide, car, pour l’intervenant, en fractionnant la valeur d’un projet en jetons, une entreprise peut mobiliser les capitaux nécessaires sans attendre un financement bancaire classique. Aussi, la tokénisation permet d’avoir la liquidité, en permettant aux investisseurs d’acheter et revendre facilement leurs parts.
En outre, la blockchain permet de vérifier en temps réel l’origine et la circulation des jetons, conférant à la tokénisation une transparence et une traçabilité accrues. « La tokénisation permet de faciliter l’inclusion, en permettant à des petits investisseurs de participer à des projets miniers jusque-là réservés aux détenteurs de grands capitaux », a affirmé Rasaky Kaboré.
Aux dires du premier responsable de Burkina Mine en guise de conclusion, la tokénisation se heurte à plusieurs obstacles, malgré son potentiel. Dans l’espace de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), l’absence de cadre juridique freine son déploiement effectif. De plus, son utilisation requiert une infrastructure numérique robuste, encore inégalement disponible dans la région.
Une initiative en cours de lancement au Ghana
Ghana, premier producteur d’or en Afrique, veut approfondir la valorisation de ses ressources aurifères. Après avoir assaini un secteur longtemps marqué par l’informel et la contrebande, le Ghana Gold Board (GoldBod) engage un partenariat stratégique avec la Bourse des matières premières du Ghana (GCX) pour développer le négoce de l’or sur une plateforme structurée.
L’objectif est double, élargir l’accès des Ghanéens à la propriété aurifère et créer de nouvelles opportunités d’investissement. Les discussions portent sur des modèles innovants tels que la tokenisation et les fonds négociés en bourse (ETF), des mécanismes qui pourraient transformer l’or en un produit financier accessible à un public plus large.
Le projet s’accompagne également d’échanges avec la Securities and Exchange Commission (SEC) afin de garantir la conformité aux normes réglementaires et la protection des investisseurs. Une démarche qui témoigne de la volonté d’ancrer durablement le secteur aurifère ghanéen dans un cadre transparent et moderne.
Par Léon Yougbaré



